Anta Akhi (Tu es mon frère, en arabe) a pour mission l’accueil de personnes portant un handicap et leur accompagnement sur leur chemin de vie et de croissance en Dieu.
Ainsi en août dernier, Jocelyne Mouawad, Patrick François et moi Béatrice, nous avons découvert Anta Akhi (AA) et sa formidable mission.
En effet Layal nous disait combien l’approche de Ziléos et celle de AA se ressemblaient.
Nos échanges avec Roula, directrice du Centre, et Norma directrice des programmes catéchétiques ont confirmé cette proximité dans notre spiritualité et pédagogie. Mais le contexte de ce qu’ils vivent et relèvent comme défis nous a émerveillés et bouleversés.
Quelques éléments pour vous partager cet émerveillement.
Aux jeunes accueillis et aux accompagnants, est proposée une « formation existentielle » qui posent ces quatre questions :
Qui suis-je ? Pourquoi je vis ? À quoi je sers ? Où va ma vie ?
Ghassan nous les présente (il souffre d’une myopathie de Duchenne, maladie dégénérative depuis l’âge de 6 ans) :
1. Qui suis-je ? Je suis enfant de Dieu, je suis important.
Comme enfant de Dieu, on connaît la vraie joie.
Le regard de Jésus c’est le plus important, là on est vraiment heureux.
2. Pourquoi je vis ? J’ai une mission, je dois la vivre avec l’autre. J’ai vécu ça dans ma vie, là où je suis :
- La joie n’est pas seulement pour moi.
- Dieu ne nous donne pas seulement la joie comme ça. Je décide d’être heureux.
o Deux types de joie :
- Matérielle
- Spirituelle, celle qui remplit et qui va durer.
- Très important : Une personne bien portante peut s’en aller quand les relations sont difficiles, pas les personnes handicapées et entièrement dépendantes ; Donc je me sens responsable de faire grandir la personne qui est là pour aider. C’est un choix.
- À AA, deux personnes sont en charge d’une personne porteuse de handicap, pour pouvoir se faire grandir l’un l’autre.
3. À quoi je sers ? 3ème axe, sa vie a un sens.
À quoi sert ma vie ?
Cf. Mélanie, polyhandicapée, ne peut pas s’exprimer par la parole, et est totalement dépendante. Elle a changé la vie de beaucoup de gens.
4. Où va ma vie ? Après la mort ?
Tout ce que Dieu donne, Il ne le reprend pas, Rom 11, 29. Nous pouvons dès maintenant nous préparer à la suite de notre vie.
Son témoignage :
Ghassan avait des rêves depuis l’enfance, mais il dit : « Je perds quelque chose chaque jour ». Pour pouvoir respirer, il doit souffler dans un tuyau. Il aurait dû mourir depuis longtemps. Mais il aime la vie. La vie après la mort existe.
« La vie avec Jésus est magnifique ! Mais, même avec toute cette foi, j'ai des angoisses.
La vie matérialiste nous fait croire à une illusion de bonheur, de faux bonheurs.
J’ai cru mourir, mais Jésus n’a pas voulu de moi (rires des autres).
J’ai vécu cette expérience avec mon frère qui avait la même maladie. C’était très dur de quitter mon frère. On avait tout vécu ensemble. Enfants, d’un milieu pauvre, souvent dans la rue, nous avons fait pleins de mauvais coups ensemble (sourire).
Avec toute ma famille et AA, ce fut une forte expérience d’accompagner son agonie.
Quand j’allais le voir à l’hôpital, je sortais de la chambre et j’étais changé à l’intérieur. C’était une joie d’aller le voir. On priait ensemble, puis il a été dans le coma et je lui disais : ‘Libère-toi, va chez Jésus ! Pardon pour le mal que je t’ai fait’.
Avant son grand passage, Paul, un jeune de AA me disait : ‘N’aies pas peur, il est avec Jésus’.
J’étais triste de le perdre, mais dans la joie qu’il soit avec Jésus. C’est ça l’Espérance ! La Vie n’est pas limitée à quelques années sur terre. »
Vénus (accompagnante) : Qu’est-ce qui a changé dans ta vie, avec Mélanie (polyhandicapée, ne parle pas) ? « Au début, j’avais peur. Comment communiquer avec elle ? Puis avec du temps, je suis devenue proche d’elle, à travers un temps d’observation, je me suis mise à comprendre un tas de petits signes. Il faut être très patient, attentif, comme avec Gaëlle qui est déjà au Ciel. Ça été lourd pour moi, j’étais très touchée quand elle est tombée malade, elle mangeait très bien avec moi. Cela me touche beaucoup. »
Roula, la directrice, témoigne de l’immense changement dans la vie de Pascale (accompagnante), très éprouvée par ailleurs dans sa vie familiale. Entrée progressivement dans la confiance en vivant avec AA, et s’ouvrant à la confiance en Dieu et en la Providence.
Pascale : « Toute ma vie a changé, j’ai appris la logique du Seigneur. Je la transmets à mes enfants. Avec Jésus, on peut dépasser beaucoup de problèmes. C’est une nouvelle logique : une logique de valeurs, une logique de pensées, une logique de vie ».
Pascale est heureuse depuis ce changement. Elle a pu vivre aussi un grand passage en pardonnant à quelqu’un qui l’avait beaucoup blessée.
Rita : Une jeune femme souriante de 30 ans. Rita est maintenant en fauteuil roulant, elle souffre d’une maladie neurodégénérative, l’Ataxie de Friedreich, découverte à la suite de pertes d’équilibre à l’adolescence.
« J’ai du mal à accepter. Jour après jour, je perds quelque chose.
Ma mère est morte d’un cancer quand j’avais 20 ans. »
Rita a dû arrêter ses études un temps puis a repris pour être graphic designer.
Avec la crise économique, son père a perdu son travail à Beyrouth et ils ont déménagé, elle et sa petite sœur pour revenir avec son père habiter dans leur village natal, dans la Bekaa. Sa prise en charge n’a plus été possible, Rita étant de moins en moins autonome. Cherchant une solution, c’est là que Rita a eu l’occasion de venir à AA.
« Ici, je suis très heureuse. Les relations sont très belles. La formation existentielle m’apporte beaucoup. ». Rita participe et anime des ateliers pour les jeunes (grand sourire) et partage aux autres ses talents en mathématiques.
A l’issue de cette rencontre, nous avons proposé que des jeunes de AA puissent participer à des camps Ziléos au Liban. Nous verrons ensuite comment avancer.
Personnellement, j’ai eu l’impression de voir un coin du Ciel sur la terre, en entendant chacun témoigner de ce que le Seigneur fait en eux et comment ils consentent et participent à Son œuvre en eux.
Avant de partir, après le déjeuner, j’ai dit à Ghassan le sentiment profond qui m’habitait :
« Vous nous précédez sur le chemin du Royaume ». Il a souri.
Béatrice François